« Du semis direct sous couvert vivant pour plus d’autonomie »
Innovant. Le Gaec de Tournans développe le semis direct sous couvert permanent de luzerne et lotier depuis trois ans. Cette année, cette technique concerne 185 hectares de l’exploitation, dont 70 ha de maïs associé à du lotier.
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Le Gaec de Tournans implantera fin avril 150 ha de maïs en semis direct, dont 70 ha en parcelles occupées par un couvert vivant de lotier, qui restera en place cinq ans. Cette légumineuse est l’une des couvertures permanentes que le Gaec développe depuis trois ans pour protéger ses sols de l’érosion, des pertes de matière organique et des adventices, avec des bénéfices attendus pour les cultures (lire encadré). Objectifs : accroître la productivité et diminuer les intrants. « Nous avons abordé cette technique en 2014, en commençant par semer des couverts de luzerne ou de lotier avec nos colzas. Auparavant, douze ans de semis simplifiés avaient entraîné des problèmes de structure de nos sols : terre farineuse après le déchaumage, battance… Nous nous sommes orientés vers le semis direct sous couvert permanent pour y remédier. Et aussi car cette voie, prometteuse et qui s’accompagne de nombreuses questions, correspond bien à notre stratégie globale de recherche d’autonomie, azotée notamment », expliquent Jean-Marc Couvet et Laurent Isabey, deux des huit associés, respectivement en charge des cultures et du troupeau. Et de préciser que les gains d’autonomie protéique passent par « la diminution du maïs ensilage dans la ration du troupeau en développant justement les légumineuses et les protéagineux » et par « des sols vivants et fertiles ».
Membre du GIEE Du Sol Eau Soleil, consacré au développement de cette technique novatrice, le Gaec prévoit de la généraliser sur toute sa surface cultivée d’ici à deux ans. Sur cette campagne, près de la moitié des cultures se trouvent déjà associées à de la luzerne ou du lotier corniculé en sols sains, et du lotier des marais en sols plus hydromorphes.
« Le lotier, très couvrant et moins concurrent »
En 2014, habitués à cultiver de la luzerne fourragère pour leurs laitières menées en ration complète toute l’année, les associés ont abordé le semis de maïs sous couvert dans une luzernière existante de 13 ha. « Elle était peu productive après trois ans d’exploitation. Je ne l’ai pas freinée par désherbage avant le semis. Du coup, elle est repartie dans le maïs et a bien failli le dominer, raconte Jean-Marc Couvet. Ce fut un stress pour la culture, confrontée aussi à une terre légère et à un printemps sec : le rendement d’ensilage a été pénalisé. Cette concurrence hydrique, dont peut souffrir le maïs au démarrage si le couvert se développe trop, m’apparaît un point assez difficile à gérer. »
Puis en 2016, le Gaec s’est essayé avec succès au semis de maïs sous couvert de lotier sur 20 ha. « Ce lotier avait été implanté l’été précédent, après un blé et dans le cadre d’un couvert d’interculture dont l’avoine, la vesce et le pois ont disparu sous l’effet du gel », poursuit Jean-Marc Couvet. Après un désherbage d’antigraminées dans le lotier, le maïs a été semé fin avril, puis a reçu les mêmes apports azotés (175 unités). « Car les premières années, ce système de semis reste gourmand en azote. Il faut un temps de stabilisation de la fertilité du sol avant de pouvoir réduire les apports. »
Du côté du désherbage, le programme a été le même que les autres maïs. À ceci près que la couverture de lotier, tout en étant beaucoup moins concurrente que la luzerne (il atteint au maximum 50 cm de haut), est vraiment très efficace vis-à-vis des adventices : dans ces 20 ha, aucun rattrapage herbicide n’a été nécessaire, contrairement aux autres parcelles de maïs, vu le printemps humide ! Récoltés en grains début décembre, ces 20 ha ont donné 100 q/ha, comme les autres maïs.
« Les doses d’herbicides sont réduites »
Les agriculteurs s’apprêtent donc sereinement à semer leurs 70 ha de maïs sous couvert de lotier. Ils utilisent un semoir à maïs spécifique, acheté d’occasion, tout comme leur semoir à grains Séméato acquis en 2013. « S’équiper et assurer un bon suivi agronomique est important pour la réussite de cette technique », souligne Jean-Marc Couvet. Nous chaulons ainsi nos sols tous les ans, car ils ne sont plus oxygénés par un travail et subissent une acidification en surface. Au rang des dépenses figurent aussi les semences : 7 €/kg de luzerne (126 €/ha, la densité de semis étant de 18 kg/ha), 12 €/kg de lotier corniculé (48 €/ha, semis à 4 kg/ha) et 30 €/kg de lotier des marais (30 €/ha) », explique Jean-Marc.
En matière de désherbage, des économies sont réalisées. « Concernant les colzas semés en même temps que les couverts permanents depuis troisans, les doses d’herbicides sont réduites sur la culture puis, après récolte, la luzerne en place n’est pas désherbée, rapporte Jean-Marc Couvet. Et dans les blés suivants, la pression des graminées est moindre. Si bien qu’ils n’ont pas reçu d’antigraminées cet automne : pour l’instant, les parcelles sont propres. »
« Une ressource de protéines supplémentaire »
La fertilisation azotée n’a pas été diminuée, mais il compte bien le faire dans les prochaines années, tout en maintenant les rendements. Enfin, ces éleveurs apprécient de pouvoir ensiler, une fois par an début octobre, leurs couverts de légumineuses (excepté celles associées au maïs car il est récolté trop tard). « Cette coupe d’ensilage fournit 3,5 t/ha de matière sèche de luzerne et 2 t de matière sèche de lotier avec, pour ce dernier, une teneur en protéines de 26 % selon nos dernières analyses ! Cette ressource de protéines supplémentaire est intéressante pour le troupeau », pointe Laurent. Cette année, 80 ha de couverts de luzerne et 40 ha de lotier sont associés à des céréales et du colza. Cette manne fourragère pourrait représenter jusqu’à 350 t de matière sèche à l’automne prochain.
Catherine RegnardPour accéder à l'ensembles nos offres :